Le burnout : Comment il survient ? Comment en sortir ?

Témoignage : Annick, 50 ans

J'ai fait appel à l'EIPAS suite à une situation de « burn out ».

Un nouvel environnement, pas de proches (amis ou famille) et la difficulté à recréer cet univers - soit un bouleversement de repères - ; un poste exigeant à forte charge, la non prise en compte de ces difficultés sur le long terme et le lent et inutile enfermement au travail ; l'incompréhension de l'entourage ; un isolement progressif par épuisement autant que par incompréhension ; plus un problème physique de fonds détecté récemment qui a été un des terreaux de l'épuisement - Tous ces éléments se sont conjugués en un cocktail détonnant, qui m'a conduite à une implosion psychique, physique, mentale, émotionnelle, personnelle, professionnelle et sociale.

Le « burn out », c'est le corps qui dit stop, avant qu'il ne soit trop tard. C'est un peu comme un transfo qui grille, à tous les niveaux et où plus rien ne fonctionne - Une anesthésie physique, mentale, psychique, où tout est coupé pour être hors d'atteinte. - Seul l'émotionnel est à vif, et tout fait «flamber ».

C'est le médecin du travail qui m'a orientée vers l'association dont j'ignorais tout. J'étais alors en épuisement total, et à cours de solutions personnelles, professionnelles, ou thérapeutiques, quelles qu'elles soient, brisée après quelques années de lutte, et face à une situation que je n'avais jamais connue.

Après trois mois de dérive (où la difficulté est qu'il faut se battre et trouver des solutions, au moment même où on est le plus mal), l'Eipas a été le point d'accroche de ma reconstruction, de ma renaissance, les tampons chimiques pouvant amortir les chocs, mais ne permettant pas de réparer, transformer et reconstituer.

J'ai tout d'abord bénéficié d'un suivi individuel, qui m'a permis de prendre conscience de la situation, de mon état, et de voir que ma vision des choses était extrêmement déformée par la souffrance : au bout de deux années de lutte contre la descente amorcée, professionnelle puis personnelle, tout était un fardeau, tout était une blessure, plus aucune énergie n'était possible pour rien. Je n'avais aucune conscience de cet infléchissement insidieux qui colorait chaque chose.

J'ai ensuite bénéficié de « groupes de travail », dont ai été partie prenante dès le départ, malgré l'appréhension initiale de la confrontation à d'autres, et la crainte de paraître - voire d'être - « anormale » - sentiment partagé par certaines et qui nous faisait dire que mieux vaudrait une blessure physique que cette blessure psychique, d'être la « dépressive » de service.

Lors de la première séance, je suis ressortie dans une grande colère : il n'y avait que des personnes intelligentes, sensibles, droites, généreuses - toutes brisées. - Parfois de façon purement arbitraire, le harcèlement professionnel, cette mise à mort professionnelle, et par suite personnelle, de fait, étant pratiqué sans scrupule, et de façon inexorable et arbitraire, dans la frilosité, l'indifférence, voire la collaboration active ou tacite - et par là même grâce à elles.

Mais dès la première séance également, l'attention et la bienveillance mutuelles des participantes, leur foncière honnêteté, notre vécu commun ont été un facteur de guérison, facteur amplifié par les liens attentifs et sincères qui ont rapidement unis le groupe. Bien que dans des situations différentes, chacune en était au même point. Chacune savait ce que les autres traversaient, le connaissait sans qu'il soit besoin de l'expliquer. Ce simple partage était déjà une reconnaissance de la souffrance, d'une situation anormale, une façon de poser nos bagages - au-delà de la culpabilité qui travaillait largement chacune de nous, lors de cette expérience de « dévissage» professionnel, social, et personnel destructrice - cette forme d'implosion, de « Blast » qui souffle tout, y compris la légitimité que s'accorde la personne.

Chacune de ces séances de groupe était un point de repère social, temporel, humain, au milieu de la dérive des jours, des forces, des événements, et des certitudes. Chacune de ces séances, permettait par la résonance des expériences, sentiments, émotions, d'avancer, de faire miroir, de progresser. Chacune de ces séances permettait de reprendre confiance dans les autres, en soi, dans le fait que la vie peut être généreuse, bienveillante. Chacune de ces séances mettait en lumière des fonctionnements inconscients, mettait en place des outils qui permettaient peu à peu une mise à distance de ce qui nous violentait, ouvrait des chemins de dérivation ou de résolution des émotions, des situations, des interprétations conscientes ou non, des vécus.

Au cours de ces groupes de travail de véritables outils thérapeutiques pratiques ont été mis entre nos mains : pleine conscience, affirmation de soi, gestion des émotions. Au fil du temps, que ce soit consciemment ou inconsciemment, ces méthodes ont su trouver leur chemin en nous pour « dégoupiller » les graines de tristesse et les distorsions intérieures, accumulées au fil des années de tension ayant précédé le point de rupture.

Aujourd'hui certaines d'entre nous peuvent à nouveau voir le verre à moitié plein, voire, s'ouvrir à l'idée qu'il peut être plein. D'autres souffrent encore de le voir à moitié vide, mais concèdent qu'il peut être à moitié plein, car certains chemins sont aussi longs que les blessures sont profondes, ou que les réparations professionnelles et sociales de droit nécessaires pour guérir pleinement tardent à venir.

Il faut du temps pour que les batteries se rechargent, pour que les choses décantent et que les boues retombent et se dégagent. - Un temps qui parait long, qu'on a du mal à accepter - à « souffrir », comme on dit - englués que nous sommes dans nos dettes personnelles ou sociales « d'y arriver ». Mais un temps qui parait bien peu, de fait, au regard du temps ou les choses se sont accumulées pour mener à cette situation.. Et finalement la machine est puissante - et heureusement.

La réparation thérapeutique a fait son travail, de façon éminemment sensible. Elle a planté ses graines pour la guérison personnelle.

De mon côté je dirais que j'ai beaucoup de chance.

J'ai trouvé sur ma route des professionnels engagés dans leur pratique et sur le plan humain.

C'est grâce à eux que je suis là.

Et je sais exactement d'où je reviens - d'un voyage, que j'ai bien cru sans issue et qui a puisé au fonds de toutes mes ressources.

Et je sais aujourd'hui ce qui m'a été donné au cours de ce voyage incertain :
Dans mon malheur, j'ai eu le soutien indéfectible et patient de ma famille, de mes amis. Dans mon malheur, j'ai eu la chance de rencontrer l'aide de thérapeutes présents et engagés, qui ont permis ma reconstruction. Dans mon malheur, j'ai eu la chance de faire des rencontres surprenantes, généreuses, bienveillantes, inspirées. Dans mon malheur, j'ai été accompagnée et aidée, et chacun de ces fils a compté. Dans mon malheur, la vie m'a montrée qu'elle avait le pouvoir de nombreuses surprises et cadeaux toujours présents. Dans mon malheur, le chemin, bien que rocailleux, m'a été aussi généreux. Dans mon malheur, j'ai aussi eu la chance de pouvoir changer de poste avec le concours bienveillant de mon employeur, et le soutien de mes collègues - ce dont tout le monde ne bénéficie pas -. Dans mon malheur, j'ai rencontré au cours de cette année beaucoup de gens dont l'ouverture, la générosité, la bienveillance, m'ont redonné confiance - cette confiance est ce qui donne envie et force, vie, et à laquelle chacun a droit et devrait avoir pleinement accès.

Au bout de ce chemin, je sais et je vois à nouveau que la porte est ouverte.

J'y crois à nouveau, et j'ai à nouveau confiance, j'ai envie de vivre et de faire plein de choses.

Je suis aujourd'hui à la fois plus philosophe et engagée. Je suis le cours des choses, un jour après l'autre. Je prends les êtres tels qu'ils sont ou viennent, et je me prends, moi, telle que je suis, et nous ne sommes dans la plupart des cas ni bon ni mauvais mais les 2 à la fois, et tels que nous sommes. J'accueille ce qui est bon avec un grand bonheur, et c'est ce à quoi il convient de contribuer et qu'il compte pour moi de cultiver. Je sais aussi que refuser certaines choses est légitime et possible, et que ce refus peut être posé, sans être explosif, et je sais que je peux exprimer certains désaccords, sans que cela vire au brûlot. Je sais que j'ai le droit d'être telle que suis, et de mener la vie qui me sied, quel que soit ce que les autres en pensent, et que de toute façon j'ai intérêt à vivre ma vie telle qu'elle me sied, car de toute façon, ils en penseront toujours quelque chose, vrai ou pas, et même si ça ne les regarde pas. Je m'autorise à être, penser, faire, comme cela vient ; et cette « simplicité légitime» est un sol simple mais ferme et fidèle sous mes pas.

Pour me nourrir j'ai aussi pris le parti de tout ce qui me parle, tout ce qui me nourrit positivement - bonheurs simples mais forts. Cela peut parfois paraître futile de l'extérieur, mais ce parti pris de la légèreté est ce qui éclaire aussi le chemin, et l'allège.

Je cueille le jour. Je cueille l'instant. Et remercie beaucoup. Toujours.

J'ai la chance d'être encore là, d'avoir reçu beaucoup de soutiens, fermes, authentiques, engagés, individuels ou professionnels.

Sans juger de la compétence des professionnels que j'ai pu rencontrer au cours de ce voyage au long cours, il est clair que c'est l'engagement professionnel, humain, voire social, de certains qui a fait en sorte que la noyée que j'étais est sortie de la dérive solitaire mal engagée et où se trouvait.

Le simple fait de « tomber » sur un praticien qui est solide, pose des actes, comme des mots, pour le patient comme dans le contexte, est le point d'accroche, « redonne pied ». C'est la bouée, le tuteur, du naufragé à la dérive. Le fait de ne plus être seul, sans recours et sans espoir, et de se sentir aidé est déjà, à lui seul, le début de la guérison.

La non indifférence, de l'entourage professionnel, amical, familial est un facteur essentiel dans cette expérience de « disparition de soi ». Comme une becquée - Quand bien même la dérive et les surtensions de la souffrance peuvent parfois mettre de la friture sur la ligne des échanges.

Partagée entre l'envie, le besoin d'un « retour à la normale », et l'appréhension tout d'abord quasi viscérale de retourner « sur le lieu du crime », chargé d'angoisse cicatricielle et de doute (après avoir loupé cette très grosse marche qui a tout d'abord réduit à néant tout qui fait la confiance en soi, en la vie, en ses capacités, et en sa valeur, professionnelle puis personnelle), je commence aujourd'hui une nouvelle vie professionnelle.

Après l'appréhension initiale de ne pas y arriver, j'ai repris la méthode « on verra bien » et « un jour après l'autre ».

Ma nouvelle vie professionnelle s'ouvre sous les hospices de collègues bienveillants qui contribuent par là même à ma guérison et à ma reconstruction.

Je ne sais pas ce que sera l'avenir (Mais qui le sait aujourd'hui ? Et beaucoup ont dors et déjà des aujourd'huis incertains). Mais j'ai envie de beaucoup de choses.

En ce début d'été qui est aussi une fin d'année et d'un voyage commun, certaines d'entre nous sentent le vent du « retour à la normale », qui est comme une respiration, un nouveau souffle. D'autres semblent avoir à attendre encore un peu l'embranchement qui leur permettra de souffler à nouveau et reprendre leur route, mais j'espère que ce moment arrivera vite et qu'il leur permettra rapidement de renouer avec leur vraie vie.

Dans tous les cas, nous avons gagné ensemble, un peu, ou beaucoup de légèreté, et si certaines d'entre nous n'ont pas encore reçu la réparation qui leur est dûe, nous avons fait un chemin important qui nous a profondément transformées.

Dans tous les cas : Transformer l'épreuve c'est la vaincre - et vaincre aussi ceux qui voudraient voir d'autres à terre.

Traverser l'épreuve, c'est naître à un autre soi.
Un soi, auquel on n'a pas besoin de pardonner.
Un soi, auquel on accorde enfin tout ce qu'on n'osait pas lui concéder auparavant.
Un soi, tel qu'il est, et tel qu'il a le droit d'être,
Tout simplement.

Un Soi au plus près de soi.

C'est dans ce voyage vital que les professionnels de l'Eipas ont su être une boussole, qui redonne un cap, des vivres et des ressources, et un but au voyage - et qui permet de poursuivre le voyage, et de le réinventer.